Ceux qui me suivent sur Facebook ont vu que je suis allée à Piacé-le-Radieux.

Quel joli nom, ont dit certains ! Mais où ça peut bien être ? ont dit la plupart.

Alors c’est au pays des rillettes, quelque part entre Le Mans et Alençon. Un patelin dénommé Piacé auquel on a ajouté le radieux. Mais qu’est ce qui « y rayonne, qui brille d’un grand éclat » pour reprendre la définition de monsieur Larousse ?

L’histoire est longue et sympa. Je vous la résume. Elle démarre avec Norbert Bézard, né dans la Sarthe en 1896, qui fut boulanger, ouvrier agricole, apiculteur, fossoyeur, mais aussi un temps employé aux usines Renault… Engagé pour la cause paysanne au début des années 1930, il lança avec un groupe militant (sans doute un peu facho, en tous cas, sa fiche Wikipedia le dit) les grandes lignes d’une réforme agraire. Et le mec, qui a entendu parler de Le Corbusier et de sa Cité radieuse, se dit : il faut le solliciter pour engager une réflexion analogue sur le territoire rural. Et hop, c’est parti pour un projet utopique… qui n’a jamais vu le jour. Mais – et c’est là que ça devient passionnant – au début du XXIe s, une bande de fadas (surtout un, d’ailleurs !) part de cette base pour faire du village un lieu de mémoire et d’expérimentation. Nicolas Hérisson, c’est son nom, a développé des trésors d’inventivité pour récupérer des bâtiments abandonnés, des éléments d’archi menacés (genre Prouvé ou Perriand, excusez du peu), des modules imaginés par les architectes et designers les plus fous des années 70 – comme ceux cités par Sébastien Siraudeau dans ce chouette article : https://www.leparisien.fr/archives/habitat-des-annees-1970-fantastique-plastique-01-07-2017-7102320.php

Le projet Bézard-Corbu est (fort bien) présenté dans un hangar dont la scéno et le mobilier sont signés Bouroullec (si si !). D’autres artistes et designers sont venus semer des œuvres sur les carrefours, au bord des routes, dans les champs et dans l’île du moulin que Nicolas Hérisson a sauvé de la ruine – comme plein d’autres bâtiments du village. Toute cette bande va converger à Piacé le 15 juin pour un 16ème rendez-vous festif autour de l’art et de l’architecture. Voici le programme.

Ouverture en fanfare avec un repas champêtre et festif sur l’île du Moulin autour du barbecue de l’artiste Nicolas Floc’h et de l’œuvre Œil de bœuf de Julie Navarro. Décollage en musique avec un concert électro-pop-punk de Sarah Olivier, fille d’Olivier O. Olivier https://www.youtube.com/watch?v=AcIZrloHJBw

Mariposa (papillon en espagnol) est le nom d’une passe de cape en tauromachie. Le torero tient l’étoffe dans son dos et la fait passer tantôt à gauche, tantôt à droite tel le déploiement des ailes d’un papillon. C’est aussi le titre d’une petite peinture à l’huile d’Olivier O. Olivier où, par une mystérieuse chrysalide, le taureau s’est transformé en lucarne cerf-volant et le torero en un curieux insecte ailé. C’est donc aussi le titre de l’exposition tourbillonnante consacrée à O. O. O. à Piacé ! Déployée dans trois espaces distincts, l’expo se révèle plus qu’un accrochage chronologique ou thématique, ce sont les techniques dont Olivier O. Olivier fut un virtuose qui ont guidé le choix de la scéno : fusains exposés dans la grange noire, peintures et aquarelles au Moulin de Blaireau, pastels au Kub d’Or. On y retrouve les thèmes de prédilection d’Olivier O. Olivier – paysages circulaires, natures mortes, animaux, tauromachie – et surtout l’esprit de l’artiste empreint à la fois d’humour et de poésie. De son vrai nom Pierre-Marie Olivier, le fils du peintre Ferdinand Olivier, né le 1er mai 1931 à Paris, obtint une licence de philosophie à la Sorbonne en 1954, puis entra à l’École des beaux-arts. Il s’y lia d’amitié avec Roland Topor. Dès 1955, il devint membre du Collège de Pataphysique et en 1964, rejoignit le groupe Panique – aux côtés de Fernando Arrabal, Alejandro Jodorowski, Roland Topor, Christian Zeimert et de Jacques Sternberg. En 1999, il adhéra à l’OUPEINPO (« Ouvroir de Peinture Potentielle »). Peintre, dessinateur, pastelliste et graveur, Olivier O. Olivier inflige aux choses et aux êtres des détournements surprenants qui semblent cependant parfaitement naturels, et, de toile en toile, élabore un monde d’une intensité poétique rare. Il est mort en 2011, trois semaines avant ses quatre-vingts ans.

 En parallèle de l’expo d’Olivier O.Olivier, un grand nombre d’autres artistes mêlent les disciplines et les techniques : de la sculpture avec des œuvres de Erik Dietman, de Jean-Marie Appriou et de Tom Castinel, de la céramique (Eric Mézan & Laurent Goumarre, Ïle/Mer/Froid & Hervé Rousseau), des installations (Chloé Quenum, Nicolas Floc’h) ou encore de la vidéo (Arnaud Dezoteux). Toutes ces œuvres rejoignent le temps de La Quinzaine radieuse le parcours d’art de Piacé le radieux (50 pièces aujourd’hui !) offrant une balade artistique et bucolique dans le village de Piacé et la campagne alentour.

En savoir plus sur les artistes

Jean-Marie Appriou https://www.lafayetteanticipations.com/fr/artiste/jean-marie-appriou

Natif de Brest (en 1986) ikl s’empare avec une remarquable technicité des matériaux de la sculpture – aluminium, bronze, verre, argile, cire – pour projeter des mondes fantastiques peuplés de figures humaines, animales ou végétales. Son univers plastique, profondément onirique, est empreint de préoccupations telluriques, traitées sous une perspective originale : celle du légendaire. Sa sculpture conjugue l’allégorique et le sensuel. L’artiste laisse visible l’empreinte de ses doigts sur la matière. Il tisse un récit paradoxal qui réunit le passé et le futur, l’idéel et le sensible, en une série d’extases hallucinatoires. »

Les œuvres de Jean-Marie Appriou ont été́ exposées à la Fondation Louis Vuitton, au Palais de Tokyo, à la Fondation Lafayette Anticipations, au Musée du Louvre à Paris, à la Fondation Vincent van Gogh en Arles, au Musée des abattoirs à Toulouse, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Consortium Museum de Dijon, à la Villa Médicis à Rome, et à la Biennale de Lyon. Piacé le radieux lui avait consacré en 2012 sa première exposition monographique: Kynkiramik.

La sculpture exposée pour La Quinzaine radieuse #16 est une œuvre de jeunesse intitulée l’Alchimiste en hommage à Jodorowsky et son film La montagne sacrée. L’œuvre a été présentée en 2014 au Palais de Tokyo. Elle sera exposée dans le jardin du Moulin de Blaireau en dialogue avec l’installation de Île/Mer/Froid et Hervé Rousseau.

Hervé Rousseau https://www.laborne.org/fr/herve-rousseau/

« Formé en 2014, Île/Mer/Froid est un corps commun dont les empreintes dessinent les formes, le paysage dans lequel il s’anime et évolue, ainsi que le bestiaire qui le hante. Puisant à la fois dans les savoirs vernaculaires, les arts populaires et les formes et matières qui l’environnent, entre documentaire et représentation, une sculpture concrète et empirique prend vie. Constructions spontanées à la matérialité brute, sculptures zoomorphes, motifs végétaux, mobilier de fortune, objets utilitaires enregistrent l’environnement et ses ressources, l’énergie des expérimentations communes, et composent un vaste vocabulaire en mouvement qui célèbre le sauvage, les rencontres et l’expérience du paysage. En 1977, Hervé Rousseau apprend le tournage chez Augusto Tozzola puis il s’enrichit d’expérience au Québec et dans le sud de la France, avant de poser ses tours à Boisbelle, à la sortie d’Henrichemont. Il va toujours à l’essentiel. Un tournage enlevé, efficace et une bonne terre sauvage, non lavée sont les socles fondamentaux pour lui. Tout son travail est cuit dans le noborigama. Une rugosité primitive taille un costume à l’esthétique du « bien lisse » sans âme. Cette simplicité vigoureuse essore l’expression céramique. Son façonnage souligne un regard porté aux pièces anciennes. Hervé célèbre le geste de la main, explorant la plasticité du matériau. Du pot aux stèles, aux bornes : à Boisbelle la terre est debout. »

Bernard David

Fruit d’une résidence à La Borne en 2021-2022, la pièce présentée dans le jardin du Moulin a été conçue à 6 mains. Sur une table de Hervé Rousseau trônent des corbeaux en céramiques réalisés par Hervé Rousseau et ÎLE/MER/FROID, entité artistique composée de Hugo Lemaire et Boris Geoffroy.

 Tom Castinel https://www.cnap.fr/tom-castinel

Son travail se balade gracieusement aux frontières des notions d’artifice, d’ornement et de motif. Souvent concrétisé par d’imposantes installations de béton – dont il a fait son matériau de prédilection -, c’est également parfois en dessin ou en vidéo qu’il interroge les univers de la danse, de l’opérette ou du ballet avec un certain décalage, mettant en avant avec humour les différentes formes d’artifices de nos sociétés. Une sorte de matérialisation mélodieuse de diverses poudres aux yeux contemporaines. Fondé en 2021, Supra est un Artist-et-Designer Run Space situé à côté de Rennes – un lieu mutualisé doté d’un parc de machines professionnelles destinées aux artistes et designers. C’est également un lieu de recherche et de production dédié au volume à travers des programmes de résidences engagés. Ils y accueillent tous les ans des artistes et designers fraîchement diplômés d’un DNSEP pour un accompagnement technique et financier sur une période de 9 mois, ainsi que des artistes et designers confirmés sur des périodes plus courtes.

 Arnaud Dezoteux https://fondation-pernod-ricard.com/fr/personne/arnaud-dezoteux

Diplômé en 2011 des Beaux-Arts de Paris, il réalisée des films et installations qui s’intéressent à la télé-réalité, au coaching de séduction ou au bodybuilding et utilisent souvent le studio d’incrustation sur fond vert comme le lieu d’une confrontation atypique avec les acteurs, faisant coïncider les coulisses, l’improvisation et l’effet spectaculaire. « Exception faite du premier, les plans qui composent Grandeur nature sont tout sauf installés : immergée dans l’univers d’un jeu de rôle massif (ou massLARP) Légendes d’Hyborée, la caméra maniée par Arnaud Dezoteux tente de rendre compte d’un événement annuel impliquant des centaines de joueurs. Mais le spectacle est constant et n’a pas vocation à être observé passivement. Pour pouvoir en restituer ne serait-ce qu’un fragment, il fallait trouver une place à l’intérieur même de cet univers clos. Nuria Delorme se dit « chroniqueuse », rôle taillé sur mesure pour Clémence Agnez, co-autrice du film, qui l’autorise à interrompre les actions en cours pour interroger les joueurs, et atténuer le mystère de leur comportement. La désynchronisation fréquente de l’image et du son dédouble la perception pour rendre compte de la profusion des « peuples » (Cimmériens, Aquiloniens…) et des opérations. La langue elle-même n’est pas celle que l’on croit entendre : deux joueurs qui semblent à des oreilles profanes parler le français doivent, dans l’univers de Légendes d’Hyborée, communiquer par l’intermédiaire d’une interprète. En fin de compte, le film donne moins à comprendre le jeu lui-même qu’il n’exalte les performances des participants, leur impressionnante conviction – un guerrier à terre esquisse tout de même un sourire lorsque la caméra s’approche de lui ».

 Erik Dietman https://fr.wikipedia.org/wiki/Erik_Dietman

Il a quitté la Suède en 1959 et s’installa à Paris où il rencontra des membres des groupes Fluxus et Nouveau Réalisme. Tout au long de sa vie et de ses voyages, il a produit des œuvres. Son engagement pour l’histoire de l’art, l’humour et la poésie se manifeste dans ses premières œuvres néo-Dada des années 1960. Dietman a exploré divers supports : du verre, du bois et du métal, aux plantes et aux objets trouvés. Son vocabulaire plastique, très étendu, va du minimaliste au surréaliste, du figuratif et du narratif à l’abstrait, de la miniature à l’échelle monumentale. Cependant, l’œuvre porte toujours sa signature de jocularité (sympa, ce mot que je découvre !) poétique. Cette malléabilité esthétique l’a placé parmi les artistes postmodernes les plus influents. L’œuvre de Dietman a fait l’objet de grandes expositions en France et en Europe : Musée d’art moderne de Paris (1975), Centre Georges Pompidou (1994) et Biennale de Venise (1997). Récemment, plusieurs expos monographiques lui ont été consacrées comme au Musée des Beaux-Arts de Lyon avec la donation Robelin, à La Panacée à Montpellier – commissariat Nicolas Bourriaud ou encore à la galerie Papillon fin 2022 avec l’exposition hommage 20 ans après sa mort. Deux sculptures en fonte de fer de Erik Dietman seront exposées à l’occasion de la Quinzaine radieuse

On peut voir à Rennes son « Art de triomphe » qu’Etienne Taburet présente ici :  https://aitre.blogspot.com/2018/03/a-fond-la-forme-larc-de-triomphe-pour.html#:~:text=L’arc%20de%20triomphe%20pour%20figurois%20et%20figurennes%20est%20une,Bicentenaire%20de%20la%20R%C3%A9volution%20fran%C3%A7aise

Nicolas Floc’h  https://www.galeriemaubert.com/nicolas-floch

Il explore les pratiques artistiques en fonction des contextes investis. Ses œuvres s’inscrivent dans le champ de l’expérimentation, en questionnant les modes de production, de distribution et de consommation de l’art. Il en résulte des installations, sculptures, photographies et performances mettant en scène une réalité métamorphosée et fantasmée. Le barbecue (10 modules en acier corten) de Nicolas Floc’h présentée lors de l’édition précédente de La Quinzaine radieuse sera réactivée lors du vernissage à l’occasion du repas champêtre.  Il sera accompagné de sa pièce Modules, mobilier modulable en aluminium (réalisé en 2017 pour le Quartier, Centre d’art contemporain de Quimper). Composé d’éléments modulables, ce mobilier/sculpture se décline en tables, tables basses, bancs et tabourets qui permettent, selon l’usage, de composer l’espace de différents services.

 Julie Navarro  https://julienavarro.net/

Artiste plasticienne qui travaille entre Paris et la Creuse, elle développe, à travers ses peintures, sculptures et performances dansées, un travail sur la perception du vivant, la matérialité́ des flux, et le cœur battant de la lumière. Œil de Boeuf de Julie Navarro se présente comme un grand râtelier de prairie itinérante où pousseront des fleurs comestibles cultivées par les habitants et dégustées lors du repas performatif.

 Sarah Olivier https://www.youtube.com/watch?v=AcIZrloHJBw

La diva excentrique revient avec un power duo électro-pop-punk accompagnée par Jérémy Lainé, batteur et programmateur. À eux deux ils nous emmènent dans un univers cosmique où les sons n’ont plus de frontières où la poésie est maîtresse et où le décalage et les grands décollages sont au rendez-vous.

Autre rendez-vous à noter : celui avec Laurent Goumarre https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Goumarre  bien connu des auditeurs de France Inter. Journaliste, producteur à la radio, écrivain, il est aussi artiste et expose régulièrement à Paris chez Alain Gutharc. Avec son comparse Eric Mézan (fondateur de la Villa des Illusions, tiers-lieu artistique situé au cœur du Parc naturel du Perche) ils présentent une série de projets autour de la pratique de la céramique, fruit d’une résidence artistique de 2 ans à la Villa des Illusions, les mains dans la terre.

https://www.facebook.com/villaillusions/?locale=fr_FR

https://actu.fr/normandie/belleme_61038/un-lieu-de-rencontre-et-de-creation-a-belleme-avec-la-villa-des-illusions_39336648.html

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-mardi-16-mai-2023-4377285

Association Piacé le radieux, Bézard – Le Corbusier:
Art contemporain | Architecture | Design
Renseignements au 02 43 33 47 97


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