Triste nouvelle de ce printemps : la mort de Frank Darcel. Impossible de ne pas rendre hommage à cet homme hors du commun, passionné par la Bretagne et qui a tellement apporté dans l’histoire actuelle de la région, tant au point de vue musical, que littéraire et aussi politique.

Je ressors ce billet publié dans mon blog en décembre 2022.

J’y ajoute un texte de Benoit Debelloir qui l’a aussi beaucoup fréquenté.

Il me faut aussi rappeler son magnifique ouvrage « 101 Bretons des Temps modernes » (éd. ArMen). J’ai eu le plaisir de collaborer à cette brillante et (pas du tout) subjective sélection de Bretons que Frank résumait ainsi : « porte-plume racés, pionniers en tous genres, bourlingueurs des énièmes rugissants, poétesses, aventuriers au destin tragique, militants obstinés, peintres, beaux vivants, esthètes habités, coureurs et rameuses insatiables ». Entre Abjean et Villeglé, on y trouve Anjela Duval, Dupontel, Jakez-Hélias, Portzamparc, Bruno Collet, Kersalé,  Grall, Lafesse, Guillevic, Mathurin Méheut, Miossec, Stivel, Pétillon, Tal Coat… Je ne vais pas énumérer les 101 mais je vous conseille de le trouver en bibliothèque ou en librairie (sinon – en dernier ressort – sur Amazon)

« Lui, je l’ai découvert… au Brésil où je vivais au début des années 80. Autant dire que le bouillonnement rock rennais m’était un peu étranger. Néanmoins, un jour à Saõ Paulo, je tombe sur un numéro d’Actuel dont la couv’ titrait : « les rockers habitent chez leurs mamans », avec une photo de la bande Marquis de Sade. Et là, je tombe raide dingue de Frank Darcel (ne le lui répétez pas, il l’ignore !) et me promets de chercher à le connaitre si je rentrais à Rennes. Ce qui fut fait mais il était en mains et j’ai renoncé à mon projet de séduction. Néanmoins, je l’ai suivi comme groupie à certains concerts et comme militante au sein de ses diverses campagnes électorales (Breizh Europa, dont le site http://breizheuropa.bzh/ est inopérant actuellement)

Entre deux répètes en studio à Lanmeur, à Bruxelles ou ailleurs, Frank (désormais guitariste du groupe Marquis qui a sorti l’album “Aurora”) écrit des livres. Son dernier ? “L’armée des hommes libres” un roman d’anticipation qui résonne incroyablement avec l’actualité de la guerre en Ukraine. La fuite d’un soldat dans une Europe dévastée et ses rencontres plus ou moins heureuses avec d’autres humains dont le seul horizon est la survie à tout prix, est absolument stupéfiante. 

Voir le bon papier d’Uzbek & Rica : https://usbeketrica.com/fr/article/l-armee-des-hommes-libres-la-reconquete-du-courage-selon-frank-darcel

Dans l’entretien que Frank a accordé à un confrère de RCF Finistère, il aborde l’histoire de Marquis de Sade, la formation qui a eu une grande influence sur la scène musicale française à la fin des années 70 (avec les albums “Dantzig Twist” et “Rue de Siam”). Simon Mahieu y remplace Philippe Pascal, disparu en 2019. Notez déjà, la sortie du 2ème album est prévue pour avril 2023 (ndlr : un an plus tard elle est imminente, ai-je lu) » https://www.lesinrocks.com/musique/marquis-limportance-de-faire-konstanz-551954-06-04-2023/

L’armée des hommes libres, éditions Coop Breizh, 19€

MCB

Frank, le « granitique »

Nous avions commencé à échanger autour du flipper du bar de l’Epée, au milieu de cette joyeuse bande de jeunes gens dit modernes qui a été à l’origine de ce que Frank définira plus tard avec beaucoup de justesse comme la movida rennaise.

C’était au début de l’été 79, juste après les premières Rencontres transmusicales de Rennes, et de ce premier concert mémorable que Marquis de Sade nouvelle formule avait donné à la MJC de la Paillette quelques semaines auparavant. On avait découvert avec jubilation un groupe rennais qui jouait au même niveau que nos références britanniques et américaines. Rappelons qu’à l’époque, les rockers français souffraient d’un grave complexe vis à vis de leurs comparses anglo-saxons. Avec sa rythmique véloce et nerveuse, sa mise en place au cordeau dû à la direction musicale efficace d’un guitariste au jeu tranchant, le tout transcendé par le magnétisme scénique extraordinaire de Philippe Pascal, MDS nous avait vraiment scotchés. Nous étions vraiment fiers d’avoir à Rennes un groupe de cette classe. Quelle découverte !

Bien des années après, j’ai eu l’occasion de collaborer avec Frank et de le découvrir plus amplement. A travers nos expériences politiques municipales, tout d’abord.
Frank était un étonnant et complexe assemblage de plusieurs cultures politiques qui échappait aux repères de ses contempteurs, très souvent empêtrés dans leurs discours binaires et sectaires.
C’était un opiniâtre parfois « granitiquement » frontal, la discussion pouvait être vive, mais il finissait toujours par s’amender, car c’était un homme nourri par les échanges et le débat. Il témoignait dans ce cas d’une certaine reconnaissance vis à vis de la personne qui avait su faire bouger ses convictions.

Comme j’étais devenu le graphiste d’un groupe politique qui venait de s’implanter à la mairie et dont Frank était le secrétaire, c’est tout naturellement qu’il m’a fait travailler sur la communication de ses groupes. Et puis il y a eu les 2 tomes de ROK, 50 ans de musique électrifiée en Bretagne. Le 2e a été le travail d’une année exaltante, une belle aventure collaborative rassemblant les meilleurs plumes du genre en Bretagne.
Nous avons eu pendant la décennie 2010 une relation sans trop d’affect, mais respectueuse et motivée par l’efficacité et le travail bien fait.
« Tu dois avoir un frère jumeau caché, pour en faire autant à la fois ! ». Cette boutade, au moment où je lui avais lancée, révélait toute l’admiration que j’avais pour la puissance de travail de Frank.
Passant par des périodes où il menait de front musique, politique et écriture, j’étais vraiment impressionné par sa faculté à mener ses projets jusqu’au bout.

C’est avec beaucoup de sidération que j’ai appris sa disparition. Aussi je m’en remets aux nombreux amis et relations qui évoquent depuis ce jour mauvais la mémoire de cette personne si singulière et talentueuse. J’ai aussi une pensée pour Sophie et pour sa famille. Qu’il repose en paix, car là où il est, il doit s’offusquer que, pour une fois, on ne lui ait pas laissé le temps de finir ce qu’il aurait de toute manière achevé complètement.

Benoit Debelloir 

La couverture presse a été à la hauteur du personnage. Extrait :

https://www.letelegramme.fr/bretagne/frank-darcel-rocker-flamboyant-est-decede-6544890.php

https://www.lestrans.com/article/frank-darcel-le-marquis-tire-sa-reverence/

+ Le lien vers mon billet sur 3 auteurs bretons:

https://www.mariechristinebiet.com/2022/12/14/trois-mecs-trois-bouquins/

Photo : compliments à Anne Marzelière pour la très belle photo noir et blanc. L’autre photo a été prise devant la préfecture de Bretagne pour la sortie de mon « Passeport breton » à laquelle Frank a accepté de jouer le rôle d’ « élu » (de nos cœurs) avec moi en tant que pré-fête.


1 commentaire

Manuel · 25 mars 2024 à 19 h 34 min

Ce que j’ai à l’esprit… Au peu de ce que je sais, cette mort « accidentelle » me laisse perplexe. Quant au gars, je le connaissais, un peu, depuis la nuit des temps. je n’aimais pas sa musique, mais je trouve qu’il écrivait fort bien…

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