Le Château de Kerjean a ouvert ses portes pour présenter sa nouvelle exposition « Terres de fortune et d’infortune. Les premiers métissages (du 16e au 18e siècle) ». Dernier volet d’un cycle de trois ans sur le thème de l’élargissement du monde à la Renaissance, cette expo montre les relations complexes entre les différentes populations et les Européens ainsi que l’apparition de sociétés métissées. Et donc, de la fortune pour les responsables d’expéditions, les armateurs et les commerçants (on pense forcément à ceux qui s’adonnèrent au sinistre commerce triangulaire) et de l’infortune pour les peuples autochtones.

La Renaissance fut le temps de l’expansion européenne à travers le monde et les implantations bouleversèrent les populations occupant les territoires conquis depuis des lustres. Au même moment, ces nouvelles rencontres conduisirent les Européens à s’interroger sur la nature de l’humanité : les perception et interprétation des cultures s’entrechoquèrent. L’aspect et les usages des Européens étonnèrent et questionnèrent les populations avec lesquelles ils n’avaient jamais eu de contact. Leurs chevaux, leurs nefs, leurs armes, leurs tenues les firent parfois prendre pour des dieux ! La volonté de dominer et d’exploiter les ressources (ah, ce foutu or qui rend fou !) provoquèrent des relations difficiles et souvent complexes entre le colon et l’indigène. Cette exposition confronte les différentes visions aux Indes, en Amérique et en Afrique. Au premier rang des bouleversements dus à l’arrivée des conquérants, on note l’expansion du catholicisme s’appuyant sur la création de communautés religieuses, les « reduccionnes », à l’ organisation spatiale et architecturale quasi militaire (voir les maquettes de ces colonies en Argentine). Les plus « malins » produisirent une sorte de syncrétisme religieux, intégrant les valeurs issues de leur antique système et les européennes – validées par la très sainte Église catholique. Il n’était plus question de faire de sacrifices humains en haut de pyramides aztèques mais rien n’empêchait les débarqués de sacrifier la vie et la santé de ces malheureux qui refusaient leurs diktats.

Souvent, contre toute attente, émergèrent de nouvelles sociétés métissées, exemples d’hybridation et de mondialisation en marche.

Cette expo est la troisième et dernière d’un cycle abordant « l’élargissement du monde à la Renaissance ». Pour rappel :

2021 : En terre inconnue ? Le monde au XVe siècle 
2022 : Terre ! Terre ! Les conquêtes européennes au XVIe siècle
2023 : Terres de fortune et d’infortune. Les premiers métissages (du XVIe au XVIIIe siècles)

Quoi de plus naturel que de le faire au château de Kerjean, construit à la Renaissance ? En plein âge d’or de la Bretagne à la fin du XVIe siècle, la famille Barbier édifia cette demeure qui surpassait les plus belles de la région. Ben oui, en ce temps là comme maintenant, il fallait impressionner, mettre en scène sa puissance et afficher son ascension sociale ! Le Château de Kerjean s’inspire des modèles dits « à la française » tout en s’adaptant au style régional. Il en résulte un bijou d’architecture Renaissance avec ses décors raffinés, son portail d’honneur avec terrasse sur arcades et son élégant puits posé dans la cour. Pour répondre à un impérieux besoin de protection à l’époque des troubles liés aux guerres de la Ligue, il fut entouré d’une exceptionnelle enceinte fortifiée de plus de 10 mètres d’épaisseur, doublée de profonds fossés.
Avec son parc arboré de 20 ha, véritable îlot de biodiversité (récemment labellisé « refuge pour les chauves-souris »), cet ensemble présente de multiples facettes à (re)découvrir au cours d’animations, de visites ou de promenades.

 Le parcours jalonné d’objets anciens, d’un film d’animation, de multimédias et d’oeuvres contemporaines est à découvrir jusqu’au 5 novembre. 

Deux artistes contemporaines (toutes deux en lien avec La Réunion) ajoutent leur vision à cette époque:

  • Leïla Payet avec (Di)or(amas), oeuvre en sucre – ce n’est pas de l’or mais son rôle dans cette économie fut considérable! https://ddalareunion.org/fr/artistes/leila-payet/oeuvres
  • Gabrielle Manglou , avec « Lames-vagues aux mémoires salées », évoque l’océan qui a rapproché et séparé les hommes. https://www.la-criee.org/fr/gabrielle-manglou/

https://www.cdp29.fr/fr/presentation-kerjean-le-chateau-de-kerjean

Pour en savoir plus, je vous recommande de lire ou de voir :

– les merveilleuses Mémoires de Christophe Colomb, avec la complicité de Stephen Marlowe (Seuil, 1987)

Extrait : « Si la Semaine sainte et Pessah n’étaient pas tombés en même temps l’année où je suis né, rien de ce qui va suivre n’aurait eu lieu. C’est un autre qui serait devenu l’homme le plus célèbre du monde. Qui sait ce qui s’en serait suivi ? L’Histoire, c’est un coup de dés. Et cette année-là, les dés avaient décidé que Pessah et Pâques tombaient la même semaine. »

–  le fabuleux « Mission » d’ Arthur Joffé, palme d’or à Cannes en 1986

https://www.lemagducine.fr/retrospectives/mission-film-roland-joffe-palme-d-or-festival-cannes-1986-10007971/  

– « Silence » de Martin Scorsese (2017) https://www.nippon.com/fr/behind/l00185/

–  la série documentaire d’Hugues Nancy https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-question-du-jour/histoire-de-la-colonisation-francaise-comment-notre-regard-a-change-8610390

La liste est longue, longue ! (et vous pouvez ajouter vos suggestions dans les commentaires)

 


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