Ces jours-ci sur Facebook, j’ai été intensément touchée par la lecture de ce texte posté par un « ami » … que je ne connais pas. Et oui, c’est le principe de ce réseau social, on y a potentiellement plus d’amis que dans la vraie vie. Moi je le vois comme un forum (au sens romain du terme) ou mieux comme le « passagietto » à l’italienne ou le « paseo » des Espagnols : un lieu où on croise les autres, où on se salue d’un regard, où on se sourit, où on se donne des nouvelles. Bref un lieu de convivialité et d’échange. C’est comme ça que je vois, que je vis Facebook, et ma foi, je trouve ça très sympa. Même si le côté virtuel met un bémol au caractère humain mais il élargit vraiment le champ des possibles.

J’ai donc 1617 amis à ce jour. Pour la plupart, ce sont des gens que j’ai croisés I.R.L. (in real life), parfois brièvement. Pour d’autres, je les ai acceptés parce que nous avons plein d’amis communs ou parce que leurs posts sont intéressants – et ne concernent pas que des chatons et des couchers de soleil. Donc, parmi eux, il y a Bruno Merlin, l’auteur de ce texte enchanteur qu’il m‘a aimablement autorisée à relayer. Un grand merci à lui !

MCB

 

PETITE MÈRE

Quelques années déjà que ma petite mère ne touche plus terre. Enfin de moins en moins. Seulement par intermittence. Quand un petit quelque chose s’éveille en elle pour lui rappeler, par exemple, que je suis son fils. Je ne me plains pas : maman est formidable. Elle me reconnait à chaque fois, même s’il lui faut chaque fois un petit peu plus de temps.

Peut-être se souvient-elle comment gamin, sur le chemin de l’école, je positionnais d’une façon bien particulière mon pouce, blessé par la porte qu’un méchant courant d’air avait refermée trop vite. J’avais plaisir à plier celui-ci dans la paume de ma main, et quand elle tenait mon poing fermé bien au chaud dans la sienne, je me pensais à l’abri de tout, prêt à faire de grandes choses, sauver le monde, peut-être.

Maman est formidable. Aujourd’hui c’est elle qui redevient petite fille, elle qui vient de faire avec nous le court trajet qui mène du foyer logement à « l’unité de vie ». Elle qui, se serrant contre moi, la tête sur mon épaule, tremble et vacille comme si le monde allait la dévorer. Elle qui quémande ma protection, petite mère qui ne sait à quel point j’ai si peu appris à vivre.

Elle est formidable. Elle a décidé que papa n’allait pas tarder, qu’il était parti depuis sept ans faire un tour (« Qu’il est long, comme il traîne ! ») mais qu’il serait là pour le repas.

Formidable, je vous dis : elle est la seule sur terre qui soit convaincue que mes cheveux repoussaient. (« Si, je t’assure ! »). Même, elle m’a dit récemment que j’avais encore grandi. Ma petite mère, elle est tout bénef.

Je pense qu’on ne mesure pas l’importance d’une civilisation à la hauteur de ses pyramides ou de ses tours hi-tech, mais à la façon dont elle traite ses vieux. On peut toujours trouver pire que chez nous. Mais quand on a mesuré à quel point ce sont bien la solitude et l’isolement qui font que s’éteignent si rapidement la curiosité et le désir de vivre chez les êtres qui nous ont guidés, bien ou mal, tenus trop, ou pas assez, pouvons-nous, tous, tous les jours, nous regarder dans la glace.

Petite mère, qui pèse si peu sur la terre. Elle n’a jamais pesé bien lourd. Quand on la regarde, on imagine parfois qu’elle va s’envoler.

Elle le fera, un jour.

Prends ton temps, ma petite mère. Et qu’à chaque fois que vienne te visiter la lucidité, tu sois certaine de notre amour.

B.M.

 Retrouvez la plume de Bruno dans des publications locales de Breteil (35)

https://www.ouest-france.fr/bretagne/breteil-35160/breteil-bruno-merlin-raconte-les-breteillais-dans-un-livre-6078857

et sur  https://fr.linkedin.com/in/bruno-merlin-017866191

 

 


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