Sous le chêne (ou pas), vive le chouchenn !

 « Boire du chouchenn ! Mais vous n’y pensez pas ! C’est bon pour les touristes en goguette ou en fest-noz ! ». Voilà en gros ce que pensait Stéphane Mordeles, jusqu’à sa rencontre avec Mark Gaultier. L’homme au look de barde (créateur du drapeau du Trégor) le convainc de goûter à son « nectar des dieux ». Et là, total changement de regard, ce breuvage n’avait rien à voir avec ce qu’il imaginait ! Pas liquoreux et riche en saveurs. Pourtant, ce n’est que du miel et de l’eau ensemencés par des levains. Oui mais il a fermenté dans des barriques de chêne entre un et cinq ans – avec quelques manip’ secrètes.

Au fil de leurs rencontres à Ploubezre, près de Lannion, Mark initia Stéphane à l’histoire de l’hydromel, « la plus vieille boisson alcoolisée du monde ». Son principe d’assemblage a existé en Égypte, en Chine, dans le monde celte et bien sûr, dans les pays nordiques, terres d’origine de nombreuses légendes inspirant des séries très en vogue qui contribuent à la remettre au goût du jour. Mark Gaultier en était convaincu : « Le chouchenn entre dans les moeurs et s’installe dans les foyers, encore faut-il réapprendre son goût, même si celui-ci dépend des savoir-faire de chacun » déclarait-il au Télégramme en … 1996 ! Cette « entrée dans les mœurs » n’a pas engendré d’ascension fulgurante malgré la rupture de stock quasi annuelle. Et quand Marc Gaultier a cherché un successeur, ça ne se bousculait pas au portillon du chai.

Alors il a convaincu Stéphane Mordeles, alors biscuitier, de prendre sa suite. Si l’atelier du Dragon Rouge a conservé son emblème, il a néanmoins quitté son Trégor d’origine pour s’installer à Dinard. Stéphane ne regrette pas ce « moment de folie ». Il développe la gamme avec la ferme volonté de « dépoussiérer l’image du chouchenn ». Rien ne l’arrête ! Il fait le tour des salons et des tables gastronomiques et fait goûter le breuvage « toujours à l’aveugle, pour dérouter les oenologues ». C’est d’ailleurs ce que fait aussi Hugo Roellinger quand il en propose en accompagnement de certains mets au menu d’exception. Les gourmands se laissent surprendre… avec plaisir. Plus besoin de se cacher pour en boire ! « Les Basques en consomment avec leur fromage et les Corses avec leur charcuterie » assure Stéphane qui a sollicité le chef barman du Castel Beau Site à Perros-Guirec pour créer des cocktails savoureux. Sans vouloir courir après les honneurs, il reconnait sa fierté d’avoir obtenu une médaille d’argent aux États-Unis puis une de bronze en Pologne. Comme son chouchenn a vieilli dans des tonneaux de Bourgogne ou d’Écosse, peut-on hasarder que c’est une boisson du monde ? Stéphane insiste, « il n’y a rien de plus naturel et local ».

Et de rappeler que la recette ne contient pas de fruit « même si dans l’esprit des gens, il inclut du cidre – dans ce cas-là, on l’appellerait « chufere ». Mais tout le monde a oublié ce terme ! Par contre dans le pays gallo, on parle aussi de chamillard. Le mot a d’ailleurs été associé à chouchenn par la famille Barbé, célèbre dynastie de Merdrignac (22) http://www.leptitfausset.com/

Dans la guerre de clochers qui sévit pour tout produit breton, il semble que celui de Rosporden sonne plus fort car c’est là que fut inventé le « souchen » en 1895 et qu’un autre négociant rospordinois, Joseph Postic a déposé le terme en 1920.

 Stéphane Mordeles refuse de faire du chouchenn au beurre salé, au kiwi ou … au camembert (si, si, il a vu ça !) et prie pour que la production de miel cesse de diminuer, des effets des pesticides et du frelon asiatique. Et il en boit, bien frais, sans glaçon. Au moins le dimanche. En phase donc avec la chanson « Dimanche chouchenn » de Kalffa https://www.youtube.com/watch?v=3n3He-tAdAs

Le groupe de rock celtique le martèle : « On boit du chouchenn le dimanche sous les chênes. C’est bon, l’hydromel, ça vous fait pousser les ailes ». Et ça ne fait pas tomber en arrière comme on l’entend souvent ! En fait, cette légende viendrait du fait qu’autrefois le miel utilisé pouvait contenir des abeilles. Or, le venin de celles-ci attaque le cervelet, organe de l’équilibre. Yec’hed mat (avec modération) !

 

Cave du Dragon Rouge, rue des Frères Boussac, Dinard. 06 23 67 50 58

Du lundi au samedi

www.dragonrouge.bzh

P.S : dans les photos, je glisse une photo de la liste des boissons proposées lors d’un mémorable fest-noz dans les Monts d’Arrée. L’occasion pour moi de gouter au Vlopniak, un cocktail avec du chouchenn ! Explosif.


1 commentaire

Nadia · 25 octobre 2022 à 22 h 25 min

Pas encore lu, j’ai acheté la revue et vais je pense me régaler…

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