Aujourd’hui, je reçois une lettre de Saint-Malo… partie le 14 avril ! Visiblement le courrier prend son temps … surtout quand il est confié à une mouette !

Elle vient de Sylvette Heurtel qui vit le confinement dans son appartement de Saint-Servan, avec vue sur le port des Sablons. Retraitée de l’Educ’ Nat’, elle profite de son temps pour faire du bateau, se cultiver et écrire. Je l’avais reçue à l’émission du Carré VIP – Vieilles pies il y a juste un an, pour parler de son livre formidable « Quitter l’hiver » dont l’action se déroule entre Paris et une île bretonne (qui fait penser très fort à Ouessant). Un bon moment que je vous invite à découvrir ici : 

https://www.carrevip-vieillespies.com/2019/04/10/la-vip-davril-est-sylvette-heurtel/

 

Juste avant, Bataclan

14 avril, il fait plus frais malgré le ciel bleu, un petit vent d’est court dans les rues, je décroche mon manteau resté à la patère depuis des semaines et je vide les poches : des tickets de métro et une invitation pour le Bataclan. 10 mars 2020, ouverture du Printemps des poètes, spectacle avec Sandrine Bonnaire, Eric Truffaz, Dominique Mahut, Denis Lavant… Titre : Le courage.

C’est une lettre de l’épatant poète Joël Bastard qui m’a donné envie de venir le voir à l’honneur sur une scène de la capitale, lui l’arpenteur de chemins sauvages aux allures de chaman. Comment résister ?

J’attendais cette balade parisienne avec impatience, à mesure que la date approchait, les nouvelles venues de Chine puis d’Italie s’amoncelaient : des chiffres, des pourcentages, quelques images de personnes masquées, ces Asiatiques qui se protègent tout le temps comme si des virus les guettaient sans cesse, tout là-bas vers l’est… Les infos françaises c’était surtout le 49-3, la réforme des retraites, les élections. Quand les grands spectacles ont été annulés, j’ai craint pour ma soirée mais la nouvelle est arrivée : à moins de mille spectateurs on pouvait encore se serrer. Pourtant quelque chose était en train de changer, une sorte d’ombre planait, une menace invisible en pointillés : ces quelques masques sur des visages du métro, les amis retrouvés sans s’embrasser, la distance…

En arrivant au Bataclan, malgré le décor refait à neuf, ce n’est pas l’idée de la contagion qui m’a oppressée. L’espace de quelques secondes j’ai senti la peur et la violence, les heures d’épouvante partagées par ceux qui sont restés terrés, vivants et morts mélangés, blessés gémissant sous la menace des balles…Et puis comme si la lumière se rallumait, j’ai retrouvé ce petit monde papotant, affecté, mondain et si rassurant. Notre vie avait changé depuis 2015, bien sûr, mais Paris est une fête, pas vrai ? Et ce spectacle, quel bonheur ! Et Joël à la fin, sur un petit nuage, qui embrassait tout le monde, même moi, si ravie pour lui…Avant de me dire que c’était folie que ces embrassades.  Il fallait penser à la distance.

Le lendemain les pointillés ont continué à se rapprocher, l’annonce de l’annulation du salon du livre comme un couperet pour les amis éditeurs. Traîner de musée en café avec l’impression que nos traces s’effaçaient derrière nous, tout au long de cette journée ensoleillée à Paris l’ombre se rapprochait. Dans le train Rennes Saint-Malo je me rappelle la petite fille au ballon rose en forme de cœur et le sourire bravache de sa jeune mère « Elle a raté l’école pour passer son anniversaire à Disney, j’avais promis… » Je me rappelle l’avoir trouvée un peu gonflée, cette jeune maman. Comme j’avais tort, comme elles doivent déguster ensemble ce souvenir d’avant le confinement.

14 avril, je jette l’invitation et les tickets de métro qui semblent venir de si loin… Aujourd’hui les rues vides résonnent de chants d’oiseaux, on passe des heures à discuter avec les voisins comme de vieux amis. Je sais que celui qui dort sous le porche de la rue s’appelle Claude et qu’il aime le chocolat chaud. La fameuse distance cultivée avec tant de soin s’étire par endroits et diminue ailleurs. J’ai appris à coudre un masque en tissu, à fabriquer des levains de bière et de kéfir, mes semis de tomates  semblent réussir, j’ai changé le compost des jardinières grâce aux lombrics de Sophie Milbeau (*)…

Quelque chose a changé, on a tant cheminé depuis un mois sans bouger. C’est le moment d’écouter le monde au soleil devant sa fenêtre ouverte et de savourer le bonheur d’être vivant.

 

·      Sophie nous avait écrit le # 18. https://www.mariechristinebiet.com/2020/04/08/je-vous-ecris-de-chez-moi-18/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


1 commentaire

APInes · 27 avril 2020 à 14 h 50 min

En effet « savourer le bonheur d’être vivant » est le meilleur qu’il nous reste face au déluge au Bataclan où cette pandémie qui touche à tout va ! Maintenant dégustons l’instant!

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