Dans un précédent billet, j’évoquais la Biennale d’Architecture et je promettais de parler de ce qui se passe à « Venise-même » comme dirait un Brestois. Dans la ville désertée par les journalistes et les pipoles invités à l’inauguration, l’empreinte de l’art et de l’architecture perdurent et c’est un régal.

Commençons par la basilique San Giorgio Maggiore dont les curateurs savent toujours exploiter le magnifique volume. Cette fois, ils ont fait appel à Not Vital, artiste suisse inventeur du concept de Scarch – fusion de Sculpture et architecture qui explore les continents pour y bâtir d’étranges constructions dont la finalité est la contemplation du coucher du soleil. Face à la Piazza San Marco, il s’empare d’un volume exceptionnel et le magnifie avec une « House to Watch the Sunset », en aluminium, fabriquée par des artisans italiens. La structure réfléchissante est exceptionnellement orientée vers l’est pour permettre d’admirer le soleil levant (symbole du Christ). Composée de trois étages de 3 mètres, cette structure de 13 mètres de hauteur tient de l’escalier géant, de la ziggurat ou de la pyramide où s’exprime le syncrétisme propre à cet artiste nomade.

https://www.letemps.ch/culture/jardin-not-vital

Puisque nous sommes à San Giorgio, continuons à la Fondation Giorgio Cini. Certains apprécieront, d’autres pousseront des cris d’orfraie en découvrant l’Arca di vetro, l’exposition d’objets en verre collectionnés par Pierre Rosenberg. Et oui, l’ancien directeur du musée du Louvre avait la passion de ces objets kitsch fabriqués en masse à Murano de l’autre côté de la lagune.  Accumulez ça chez vous, ce sera juste ringard. Mais trouvez un pote branché et un lieu hype, cela fera une belle expo ! Quoiqu’il en soit, la scénographie est sympathique et l’expo plait beaucoup aux enfants !

https://www.worldartfoundations.com/fr/fondazione-giorgio-cini-the-glass-ark-animals-in-the-pierre-rosenberg-collection/?v=11aedd0e4327

Un petit tour au Palazzo Ca’Corner, judicieusement restauré pour abriter la Fondation Prada. L’exposition Stop painting, conçue par Peter Fischli revient sur la sempiternelle question de l’acte de peindre – abordée non sans humour avec la vitrine de Michelangelo Pistoletto qui se contente d’enfermer une combinaison de peintre en bâtiment – un des rares à utiliser un pinceau à notre époque d’artistes conceptuels plus familiers avec l’ordinateur.

https://www.artpress.com/2021/06/14/stop-painting/

Moi aussi, j’ai envie de pousser un cri : Stop fondations ! Car je suis passablement énervée par cette tendance à transformer tous les beaux lieux de Venise en musées et en galeries (une manie qui touche beaucoup de gens qui hurlent dès qu’un élément de patrimoine est à vendre et de supplier qu’on en fasse un musée !). Sans parler de leur investissement par des grands groupes pour y implanter des lieux de consommation d’art ou de luxe. C’est le cas avec DFS à Venise. Le leader mondial du duty free s’est associé à LVMH pour créer le T Fondaco dei Tedeschi, son premier grand magasin européen. À deux pas du Rialto « le T Fondaco se veut une destination shopping prestige, culture et art de vivre, au croisement de l’Orient et l’Occident ». Vous voyez le genre. Ils n’ont pas lésiné : conception confiée à l’architecte  Rem Koolhaas, rideaux rouges s’ouvrant et se refermant dans le patio à la façon d’un théâtre prétentieux, présentoirs des pompes et des fringues dignes d’une bijouterie de luxe. Mais ne boudons pas le plaisir de la vue sublime qu’offre son roof top et (jusqu’au 21 XI 2021) la contemplation de l’installation video de Marteen Baas qui « balaie » la notion du temps au sens propre.

Étienne, Étienne

Au fait, je ne vous ai pas encore parlé de la personne qui m’a guidée à Venise cette année : c’est Étienne Taburet, créateur de l’agence de voyage Aitre https://www.aitre.eu/. Un type extra, dont l’immense culture va de pair avec une belle sensibilité et un esprit libre. Aller à Venise avec lui, c’est la certitude de sortir des sentiers battus, de découvrir les bâtiments qui n’intéressent pas le voyageur basique : le grand parking de la Piazzale Roma, les immeubles administratifs des années 60 et bien sûr, la production de Carlo Scarpa, remarquable architecte du XXe siècle dont Clément Ghys a dressé ce chouette portrait dans le Monde https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/04/19/dans-les-pas-de-l-architecte-carlo-scarpa_5287535_4497186.html. Scarpa a signé des œuvres majeures ou discrètes dans la Vénétie, dont l’extension du musée Querini Stampalia (www.querinistampalia.org), le magasin Olivetti (piazza San Marco http://www.negoziolivetti.it/ ) et … la porte de l’école d’architecture. Tout un symbole !

 


2 commentaires

Elisabeth Dewanckel · 2 août 2021 à 0 h 39 min

Merci Marie-Christine pour tes deux billets sur la Biennale et Venise … que tu m’avais annoncés : je pars aujourd’hui avec mes filles pour ce joli voyage … et j’emmène ta plume et tes conseils !
Elisabeth (la voisine qui te dois un café et une visite de sa maison !)

    Marie-Christine BIET · 3 août 2021 à 12 h 49 min

    Merci Élisabeth! Bonnes vacances!

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