Née dans le Finistère-Nord, Claire Fourier vit à Paris. Diplômée d’Histoire et de l’École Nationale Supérieure des Bibliothèques, elle a publié une vingtaine de livres qui n’ont pas tous trait à la Bretagne, mais sont marqués par une éducation et un tempérament très bretons : s’ils ne vont pas à la Bretagne, ils viennent de la Bretagne (comme les rayons viennent du soleil). Elle nous envoie une lettre épatante sur l’homme du moment : Didier Raoult. Celui qui clive tellement ! Tout le monde a un avis sur lui… jusqu’à la Maison Blanche ! Charline Vanhoenecker nous a encore fait marrer à son sujet : « Ça y est, la France est de nouveau divisée entre les soutiens au docteur Raoult et les opposants. Les gens s’étripent sur les réseaux. Sur les sites d’info people y’a même « Michel Cymès clash Didier Raoult ». C’est le nouveau Booba / Kaaris. Les rappeurs c’est ringard maintenant c’est les docteurs qui se battent : octogone ! » (au passage, j’ai appris cet autre acception du terme de géométrie !). Claire Fourier a d’autres références !

« Outre sa compétence. Le professeur Raoult me plaît. Il fut marin. Il est de la lignée des hommes pour qui j’ai un faible. C’est la lignée d’Herman Melville et de l’équipage du Péquod. Des hommes à la respiration océanique. 

Rappelez-vous Bartleby : « I would prefer not to. » Il s’ennuie chez le notaire qui l’a engagé et finit par désobéir, calmement mais fermement, aux ordres donnés par les clercs. Bartleby sort tout droit de l’expérience cosmopolite de Melville qui, au retour de sa pérégrination sur les baleiniers, se retrouve secrétaire dans un bureau des Douanes. Oh, ces fonctionnaires frileux à l’esprit étriqué ! Curieux et passionné, il s’échappe en étudiant à fond les baleines en vue d’écrire Moby Dick et autres récits pleins de précisions scientifiques.

Raoult penché sur les infimes virus, c’est Melville penché sur les grands cétacés. 

Raoult, c’est Melville. De l’air ! De l’air ! Il se moque de menues lames d’eau que lui opposent les « comités scientifiques » en chambre (ou cabinets). 

Raoult, c’est Melville ouvrant ses grands bras généreux à Nathaniel Hawthorne effrayé qui recule, engoncé dans son protestantisme (mais qui écrit néanmoins « La Lettre écarlate »).

Raoult et son équipe dans le laboratoire, c’est l’équipage à bord du Péquod, qui dépèce la baleine et pétrit le spermaceti dans la cuve pour écraser les grumeaux ; les mains des matelots se nouent dans ce « lait de bonté » : « Étreindre, étreindre » ».

Raoult et Melville, c’est la conscience énorme, c’est le sentiment océanique de la vie. Ces combattants loyaux sont à part dans un monde dont ils sont partie prenante. 

Raoult, c’est aussi le Hugo des Travailleurs de la mer qui s’est lancé avec fureur dans l’étude du monde des pieuvres. Et c’est la lignée de Beethoven dans la 9ème Symphonie : « Millions d’êtres, soyez tous embrassés. » 

Raoult, Melville, Beethoven, Hugo, il y a quelque chose de colossal chez ces hommes au front d’airain qui percent la muraille et choisissent de se tenir à la proue du navire humain contre vents et marées. 

Un romantique, ce Raoult, dites-vous ! Quelle lignée que les Romantiques ! Ce sont les hommes patients dans les hunes et ce sont de majestueuses chaudières.

(Alors, bien sûr, ils sont maudits, à ras de terre par les tièdes Prudence Petitpas.)

Claire Fourier, le 25 mars 2020

Maurice Blanchot rangeait Claire Fourier aux côtés de Louise Labé et de madame de Sévigné. Pierre Sipriot évoqua à son sujet le « cogito de la sensibilité » et Bernard Noël a écrit : « Elle a inventé un nouveau genre : la sensualité verbale ». Jean Bothorel l’a définie comme une « réfractaire ». Claude Hagège a évoqué la « perfection classique » de sa langue.

Plusieurs prix bretons ont récompensé Les Silences de la guerre, dont l’histoire se déroule en 1943 à Brest et sur la côte nord du Finistère. Tombeau pour Damiens, la journée sera rude est un portrait rigoureux et un chant d’amour pour un prétendu régicide. Sémaphore en mer d’Iroise, juste paru en mars 2020, est une navigation intérieure en forme de livre d’heures (100 courts chapitres) axé sur le thème de la transmission, entre femmes surtout. Un aspect qui nous plait forcément au Carré VIP- Vieilles pies !


4 commentaires

Apines · 27 mars 2020 à 16 h 07 min

Magnifique écriture qui suit le chemin des vagues qui s’entremêlent et roulent pour notre plus grand plaisir. Dès que je pourrai sortir, je « vaguerai » chez le libraire !

    MCB · 27 mars 2020 à 18 h 59 min

    Merci Inès! Oui, vivement « après »!

Léonore · 1 avril 2020 à 16 h 45 min

Très poétique comme écriture, en revanche pour le sujet, le personnage de raoult est à prendre avec beaucoup de pincettes. Qu’un service de communication travaille pour lui en cette période de crise, je ne peux que m’interroger sur la réelle efficacité de la chloroquine. Prenez garde aux prophètes miraculeux.

Les prêches coquins de Ronan Manuel – Marie-Christine BIET · 30 novembre 2021 à 10 h 49 min

[…] participé à ce blog lors du 1er confinement avec ce mémorable billet dédié à Didier Raoult  https://www.mariechristinebiet.com/2020/03/27/je-vous-ecris-de-chez-moi-6/ […]

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