Sortie du livre Ille-et-Vilaine d’antan

La sortie d’un livre est toujours un moment particulier pour son auteur. Entre la proposition de l’éditeur et la prise en main de l’ouvrage, il se passe souvent plus de neuf mois ! En l’occurrence ce bébé là (neuvième de mon « ménage » avec Hervé Chopin) m’a été livré par une sympathique cigogne la semaine dernière. En avant-première, je vous offre le préambule des pages qui transportent dans le département au début du XXe siècle.

MCB

Et au milieu coulent deux rivières

Imaginez la Vilaine coulant d’est en ouest, dans une vallée où s’étendent de vastes prairies. La rivière s’engage bientôt « sous les ombres épaisses d’une forêt, baigne une plaine boisée et se replie plusieurs fois sur elle-même comme un serpent qui ramasse ses forces pour ramper ». Enfin, elle fait sa jonction avec l’Ille, « dont les eaux inondaient aussi les basses terres et les transformaient en un lac dans la saison des grandes pluies ». Dans les plaines alentour, « la richesse et l’exubérance de la végétation annonçaient une terre d’une grande fertilité ». Ce pays est situé au centre et sur les limites de la péninsule armoricaine, « entre le canal gallo-britannique et la mer occidentale des Gaules, où les deux rivières de la Vilaine et de l’Ille allaient se jeter ». Voilà comment un historien du haut Moyen Âge décrivit ce qui allait devenir le département d’Ille-et-Vilaine.

On l’a compris, le rôle des deux cours d’eau est fondamental. À leur confluence, les Riedones, une des principales tribus de la confédération armoricaine, avaient fondé Condate. Leur territoire n’atteignait pas le secteur côtier, occupé au nord par les Diablinthes et les Curiosolites, au sud par les Vénètes et les Namnètes. Ces découpages territoriaux ont évolué au fil des siècles, au gré des alliances et des guerres, avec les Romains, les Bretons, les Francs et les Anglais. Un des premiers évêchés d’Armorique fut créé à Rennes avant le IVe siècle. Puis les moines qui traversent le « channel » fonderont sept évêchés, tels Maclou à Alet et Samson à Dol.

Le gouvernement révolutionnaire cassa la notion de province et élabora un nouveau schéma territorial qui ne s’affranchit pas complètement des contours diocésains. Le découpage ne fut pas aisé pour les Constituants. L’accord des députés bretons fut entériné le jour même du décret d’application de la loi ! « L’État est un, les départements ne sont que des sections du même tout. » Les noms des députés signataires, souvent issus de la bourgeoisie de robe ou d’Église, ont été donnés à de nombreuses rues du département. Citons Jean-Denis Lanjuinais, co-fondateur du Club breton, ancêtre du Club des jacobins, et Guy Leguen de Kerangal, fervent défenseur de l’abolition des privilèges.

Le nouveau diocèse de Rennes adopta les limites départementales. Se mit en place une caste bourgeoise, conservatrice et catholique, qui soutint sans hésiter le coup d’État de Napoléon III, le 2 décembre 1851. L’Ille-et-Vilaine fut un des quatre départements où aucune arrestation n’eut lieu. L’empereur en garda le souvenir, et Rennes fut la dernière étape de son fastueux voyage en Bretagne en 1858. La capitale bretonne s’était dotée d’une gare ferroviaire l’année précédente. Si ce carrefour stratégique de voies ferrées n’apporta pas de développement économique notable, il favorisa néanmoins l’exportation de produits alimentaires vers Paris… et aussi un fort mouvement d’émigration de Bretons ! Un réseau de tramways départementaux lancé à partir de 1888 renforce les possibilités de circulation… des gens et des idées. On assiste à la création de syndicats et au développement des principes radicaux socialistes sous la IIIe République. Curieusement, ce sont des prêtres qui ont contribué à porter les valeurs de la démocratie dans le département. Parmi ces curés décidés à « sortir de la sacristie », l’abbé Trochu, qui avait créé une caisse agricole rurale à La Guerche, lance le journal L’Ouest-Éclair en 1899 ; son confrère de Vitré, Augustin Crublet, crée une coopérative ouvrière de chaussonniers. À Fougères, un autre pionnier du syndicalisme chrétien, l’abbé Louis Bridel, s’engage activement dans l’aide aux plus démunis.

Sur la côte, la pêche hauturière tend à disparaître. Mais on assiste à la construction de digues, de quais, d’hôtels, de villas et de casinos pour satisfaire l’essor du tourisme balnéaire.

Une véritable fièvre bâtisseuse fait pousser universités, casernes, hospices, lycées. C’est dans l’un d’eux que se déroule la révision du procès de Dreyfus à Rennes, mettant la ville à feu et à sang. « Belle » époque, vraiment ?

Ille-et-Vilaine d’antan, HC éditions

En vente dans toutes les bonnes librairies. 29,90€

www.hc-editions.com

 


1 commentaire

3 nanas, 3 bouquins. – Marie-Christine BIET · 5 décembre 2022 à 10 h 49 min

[…] –       Le troisième livre, le mien donc, Ille-et-Vilaine d’antan, est le 4ème de la collection sur les départements bretons d’antan (et alors – scoop ! -, j’attaque la Loire-Atlantique). Pour écrire ces livres, illustrés par des photos prises au début du XXe siècle, je me glisse dans la peau de personnages réels ou fictifs qui ont ou auraient vécu à cette époque. Et ça marche ! Le premier que j’ai fait pour l’éditeur Hervé Chopin – Rennes d’antan caracole dans les meilleures ventes de cette collection et est régulièrement réédité depuis sa sortie. Bon, OK, certains vont se moquer de mon auto-promo, mais franchement, quand je vois le peu de cas qu’en font certains libraires et sans doute l’incompétence des distributeurs, je n’ai pas à en rougir ! Et vous connaissez le proverbe : « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». https://www.mariechristinebiet.com/2022/11/08/o-la-belle-ille-et-vilaine/ […]

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