Ah, l’Arvor ! Ce n’est pas seulement parce que nous avons le même âge que j’y suis si attachée. Je ne l’ai pas fréquenté dans mes années-bébé (comme ce sera le cas pour mon fils) mais très assidument lors de mes études sup’. A l’époque, l’école d’archi était rue Hoche et j’habitais place Sainte-Anne au cœur de ce qu’on appelait le « quartier latin » avec ses écoles, ses facs, ses librairies, la bibliothèque, les crêperies, les bistrots, etc… Et donc l’Arvor, temple du cinéma art et essai à Rennes, un vrai temple avec colonnes et fronton en façade, soulignée d’un néon rouge. Dès que j’avais deux heures devant moi, j’y fonçais. Je demandais à l’accueil quel était le prochain film projeté. Si je ne l’avais pas encore vu, hop, j’y allais ! Une fois, je m’y suis pointée avec mon fiston, d’environ 6 mois, dans un sac kangourou sur le bide. Le gars à l’entrée (Abdel, celui avec les dreadlocks) ne voulait pas me laisser entrer. J’ai fini par l’amadouer promettant que je sortirais si bébé braillait ! Raphaël a sans doute été le seul être à avoir téter sa mère dans cette salle de cinéma ! Une autre anecdote : quelques années plus tard, il avait 8 ou 9 ans, nous faisions la queue pour une séance d’un film chinois de 1949, en noir et blanc, sous-titrè. Un type derrière nous dit à sa compagne (sans s’adresser directement à moi mais suffisamment fort pour que j’entende) ; « On n’a pas idée d’emmener un enfant de cet âge-là voir ce type de film ». L’enfant en question se retourne et lui dit : « ben quoi, je sais lire ! ». C’est clair, ça suffit pour aller voir des films sous-titrés! Avant de passer à l’âge ado et aux blockbusters, Raph s’en est tapé des films serbo-croates, ouzbeks, moldaves et syldaves !

Pourquoi vous en parlé-je aujourd’hui ? C’est que deux jeunes hommes (visiblement de l’âge de mon fils) se sont intéressés à cette salle mythique au moment où elle entrait dans une étape cruciale, son déménagement dans le quartier Euro-Rennes – ce terme technocratique suffit à comprendre de quel genre de quartier il s’agit !

Loin de moi l’idée de donner dans le « cétémieuxaaavant » (quoique ce soit très tentant là !), il faut savoir que la salle de la rue d’Antrain était en mauvais état et sous-dimensionnée.

« Le cinéma passe de deux à cinq salles et gagne en liberté de programmation. Le montage financier n’est pas un long fleuve tranquille et des retards s’accumulent sur le chantier mais rien que de l’ordinaire… jusqu’à la survenue de la crise sanitaire qui va encore bouleverser le calendrier… Les réalisateurs ont suivi pendant plus de deux ans l’équipe de l’Arvor. En cinéphiles, ils font de cette chronique une ode à l’art et essai et nous font partager leur amour de la salle comme lieu d’échange, de rencontre et d’expériences extraordinaires et partagées de cinéma sur grand écran » (extrait du dossier de presse de Candela productions).

Le talent de Corentin Doucet et Corentin Massiot en a tiré une chronique passionnante sur le rôle des uns et des autres (le directeur, le président et les collaborateurs se retrouvant aussi jardinier, électricien, chef de chantier, balayeurs…) et sur l’histoire. On sourit en apprenant que l’équipe a été virée de sa première salle rue Saint-Hélier parce que certains films heurtaient l’évêché, propriétaire des murs. Oui, je dis « on sourit » parce que l’Eglise en question était beaucoup moins regardante avec ce qui se passait en son sein !

Les deux Corentin ont imaginé le film « telle la vie et ses imprévus, avec comme ressort dramatique le déménagement qui vient et qui va nécessairement provoquer des bouleversements. Les séquences font le récit d’une équipe de passionnés – bénévoles et salariés – dont le leitmotiv est la défense du 7ème art dans un esprit d’indépendance. Les personnages, en situation réelle, deviennent des acteurs du film, d’où l’importance de la confiance instaurée entre les filmeurs et les filmés ».

Au-delà de l’histoire, le film s’intéresse à « ce qui fonde l’esprit d’une salle Art et Essai au moment où celle-ci, confrontée à la concurrence des écrans et à l’arrivée des plateformes, choisit de déménager dans une tour moderne pour passer de deux à cinq salles ».

Pour eux , « l’Arvor un symbole : une manière de voir des films et d’en parler. Nous voulons affirmer notre attachement à la salle de cinéma comme premier lieu où l’on découvre un film. Nous défendons le cinéma comme lieu social, lieu d’échange, de rencontre, et d’une expérience « extraordinaire ». Formellement dans le film notre regard se substitue à celui des spectateurs, alors qu’ils regardent un film ».  Il leur était important de proposer « une vision en continu à l’heure où notre société incite à la dispersion permanente nuisant ainsi à une concentration sur un temps long ».

Décidément ambitieux, le projet du duo est de « se situer au niveau du transfert de l’âme d’un lieu chaleureux transposé dans une coque à l’architecture complexe, ressentie comme froide et impersonnelle. Un nouveau lieu qui n’a pas encore d’âme. C’est un défi que l’Arvor doit relever et c’est là, que s’arrête notre film. Nous n’avons pas voulu faire un film d’histoire ou de propositions, nous voulions porter notre regard, pour dire notre attachement au « cinéma », art du temps, du mouvement et de la lumière, au travers de ceux qui le font vivre auprès du public dans toute sa diversité.

Bravo les garçons !

Et vite, vite, chers amis cinéphiles, allez voir l’Arvor de 2 à 5 qui risque de ne pas rester longtemps à l’affiche !


1 commentaire

Candela productions · 30 octobre 2021 à 14 h 39 min

Merci Marie Christine pour ce bel article, voici les horaires où chacun pourra découvrir ce très beau film que nous avons produit. Ne le ratez pas, c’est un vrai moment de cinéma et d’émotions.
samedi 30, dimanche 31 octobre à 19H15
Mardi 2 novembre à 19h15
Vendredi 5 novembre à 15h30
Samedi 6 novembre à 15h30
dimanche 7 novembre à 11h
Lundi 8 novembre à 16h30

J’ajoute ce lien avec le film annonce qui est superbe ! https://vimeo.com/625275299

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