Aujourd’hui, c’est ma fille qui nous écrit de Vendée où elle vit le confinement, sans perdre de vue ses engagements politiques ni sa foi en un monde meilleur.

Léonore Malinowsky est assistante réalisation, avec le statut d’intermittente et donc, en arrêt total de travail.

 

 

Réflexions confites du 1er Mai 2020

 

En des temps lointains, les Celtes célébraient « Beltaine » au 1er mai, le premier jour du renouveau, début de l’été. Le rite principal était alors initié par les druides, qui allumaient des feux sur les chemins empruntés par le bétail afin qu’il soit protégé des épidémies pour l’année à venir.

 

Deux millénaires plus tard, en 1886 – cette date marquera l’Histoire – un rassemblement de travailleurs de l’usine McCormick à Chicago fait un mort et plusieurs dizaines de blessés. Le 4 mai, ils se rassemblent de nouveau sur Haymarket square. Cette fois-ci, la charge de 180 policiers aboutit à un bain de sang. La raison de ce massacre ? Les travailleurs revendiquaient des journées de travail de 8h. Ce qui nous paraît être la norme aujourd’hui, a mis plus de trente ans à être effective dans la plupart des pays industrialisés. Le 1er mai est désormais un jour férié répandu sur tous les continents.

Au-delà de la journée mondiale des travailleurs-euses, cette date est devenue le symbole de la convergence des luttes.

 

La coutume du muguet du 1er mai remonterait à la Renaissance, et se retrouva à la boutonnière des manifestant.e.s et des ouvrier.e.s au XXème siècle.

 

Maintenant que le contexte est replacé, pourquoi ne pas réfléchir un peu plus intimement à cette date ? J’ai personnellement grandi avec un paternel qui est fier d’affirmer qu’il a toujours travaillé « le Jour de la Fête du Travail » – sinon pourquoi lui donner un tel nom ? 

J’ai mis longtemps à comprendre que pour trouver du plaisir à travailler, il fallait que cela soit dans les meilleures conditions possibles et surtout en quantité raisonnable. Quel intérêt humain retire-t-on à s’acharner 10 heures – ou plus – sur un ordinateur, sur une machine ou au service des autres, au détriment de sa propre santé ? 

Certes les conditions de travail n’ont cessé de s’améliorer, mais on trouve toujours des enfants de 6 ans dans les usines et les mines, toujours des esclaves dans le monde, toujours des dos courbés plus de 12 heures par jour pour fabriquer des sacs, et – plus proche de nous – toujours des soignant.e.s  non protégés alors que les grandes surfaces reçoivent des masques. Agnès Pannier-Runacher, interrogée sur l’opportunité d’encadrer les prix de vente de ces masques, indique que “ce n’est pas d’actualité”.

https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-des-masques-seront-distribues-aux-francais-des-le-4-mai_fr_5ea22850c5b6d376358c83e8

 

J’en viens au fait que tant que ces conditions inhumaines perdureront, le 1er mai doit rester une journée de mobilisation.

Comment faire en temps de Coronavirus ?

Peut-être que ce soir, à 20h10, après avoir chaleureusement remercié nos soignant.e.s, vous pouvez signifier votre mécontentement avec des bruits différents (pourquoi pas une corne de brume pour relier à l’origine celte ?).

Peut-être pouvez-vous afficher sur vos fenêtres, balcons, terrasses, les chiffres d’une France qui laisse ses travailleurs.es les plus précaires aux premières lignes sans protection ?

Peut-être pouvez-vous allumer des bougies, comme les druides d’autrefois, pour signifier votre espoir de « plus jamais » (plus jamais d’épidémies créées par notre cupidité et notre propension à détruire notre propre maison, plus jamais de gestion de crise comme celle que nous vivons, plus jamais le monde d’avant…) ?

En 2017, lors d’un séjour en Irlande, Lorna, une femme très sage auprès de qui j’ai beaucoup appris m’avait demandé pourquoi selon moi, les mères qui font les enfants, les infirmières qui les soignent, les professeurs qui leur transmettent leurs savoirs, et les agriculteur.ice.s qui les nourrissent, étaient les moins bien loti.e.s de nos sociétés ? 

 

Je vous laisse avec toutes ces questions, en espérant qu’elles vous permettent de cogiter sur le monde que nous allons construire à la sortie de l’épidémie. N’oubliez jamais que VOUS êtes la solution.

 

PS : Ci joint, une photo de l’affichage que nous avons posé ce midi sur le mur du cinéma de Noirmoutier.

 


4 commentaires

France Sachot · 1 mai 2020 à 19 h 45 min

Beaucoup de questions en ce 1r mai …justement soulevées…une crise sanitaire,une crise économique et une crise sociale déjà présente avant le confinement…nous avons des représentations politiques et une opposition qui réagissent et en effet il nous faut rester vigilants pour préserver les acquis sociaux conquis de haute lutte….On voudrait pourtant ne voir que le renouveau de dame nature et se connecter à notre planète terre….mais nous sommes confinés….avec le sentiment de privation de libertés…

Catherine BERRANGER · 1 mai 2020 à 22 h 17 min

Superbe texte, Léonore ! Tu mêles avec talent l’historique, le politique et une touche personnelle ! Oui, cette situation planétaire inédite doit donner à réfléchir pour mieux agir aussi bien individuellement que collectivement !

AME Martine · 2 mai 2020 à 13 h 04 min

Bravo à toi, Léonore, pour soulever avec beaucoup de justesse toutes ces questions que nous devrions, en effet, nous poser … Conserve surtout toujours cette liberté de parole qui te caractérise … en mode action, réaction ! La question des masques est une belle démonstration de ce qui devrait véritablement nous mettre en colère…

Elisabeth Lemau · 3 mai 2020 à 8 h 55 min

Bravo Léonore pour avoir rappelé l’histoire du 1er mai et des acquis sociaux conquis de haute lutte. En ces temps de confinement où certaines catégories sociales sont au front pour le bien et la santé de tous, ne les oublions pas à l’avenir. Un avenir qui risque de laisser beaucoup de monde sur le bord du chemin.

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