Alors que je sors d’une période affectée par cette saleté de virus, j’ai eu envie de faire un billet sur une année avec lui.

Il y a pile un an, on parlait de ce truc nouveau qui affectait les bouffeurs de pangolin en Chine et qui bien sûr ne franchirait pas nos frontières. Mon objectif principal à ce moment-là était de retourner en Inde, pour un mariage à Mangalore, puis de rejoindre deux amies pour une vadrouille dans le Kerala. L’une habitant New-York et l’autre en Australie. Nous échangions intensément avant de finaliser nos réservations de vol quand l’une d’elles m’annonce qu’elles renoncent au voyage en Asie en raison du coronavirus. What ! « Ah, ça c’est bien la peur des « germs » typique des anglo-saxons » me dis-je en continuant à explorer les tarifs aériens, toujours décidée à y aller seule. Mais un peu moins… Et surtout attentive aux infos sur l’évolution de la pandémie.  En France, début février, plusieurs cas furent enregistrés et un premier décès du Covid fut connu le 15 février. J’ai compris que ce ne serait pas prudent d’aller en Inde et d’ailleurs plusieurs amis qui y passaient l’hiver entraient dans une longue galère pour effectuer leur retour.

Quand Olivier Véran succède à Agnès Buzyn, la France franchit le cap des 100 cas et les rassemblements de plus de 5000 personnes furent interdits. Cinq mille… ça nous fait rigoler maintenant qu’on n’a pu réveillonner qu’à 6 max !

Notre président nous a fait rire aussi … jaune (forcément, ha ha !) quand il nous a lancé son martial « Nous sommes en guerre ». Certains ont capté le message en se précipitant dans leurs supermarchés, vider les stocks de p.q., de pâtes et de farine. Plus grave : la pénurie de masques a entrainé le gouvernement à nous assurer qu’ils n’étaient « absolument pas nécessaires ». Et les Costarmoricains enrageaient au souvenir de l’usine de masques Honeywell de Plaintel qui avait fermé en 2018 faute de soutien de l’Etat.

 Votez pour moi !

 Le 14 mars, Doudou (c’est ainsi que mes amis Havrais désignent Edouard Philippe) annonce la fermeture des lieux recevant du public … et le lendemain, nous allions voter ! J’avoue à ma grande honte que cela ne m’a pas choquée car j’étais sur une liste aux municipales de Rennes (http://breizheuropa.bzh/municipales-a-rennes/). On s’est totalement plantés avec moins de 2% mais on se console comme on peut en se disant qu’il y a eu 60% d’abstention et que par temps de crise, les électeurs se tournent vers les partis établis. Reste une période passionnante où on débat, on réfléchit à une autre ville et à un monde qui ne serait pas aux mains des pros de la politique.

 Nous sommes donc entrés en confinement. Pour la première fois de notre vie d’adulte, il fallait signer son billet de sortie. Pour une heure, à moins d’un kilomètre, etc… Perso, j’ai beaucoup aimé cette période où je faisais l’animation dans la rue à 20h. Tout le monde copinait. Pendant la journée, je confinais avec mon ordi pour sortir un billet quotidien sur mon blog avec l’aide de femmes formidables. L’ensemble de ces lettres a été rassemblé dans un joli recueil sorti en décembre (https://www.mariechristinebiet.com/2020/12/20/je-vous-ecris-de-chez-moi-le-recueil/ )

Le 11 mai… liberté (relative) ! Pas plus de 100 kms. Vite fait, je regarde la distance entre Rennes et mon coin chéri de Normandie : moins de 100 bornes. A moi le bonheur des galopades dans la baie du Mont-Saint-Michel ! Le 2 juin, les bars et restaurants peuvent rouvrir, dans le respect des règles sanitaires, etc… Et on s’en donne à cœur joie – même si les visages masqués relativisent cette joie !

 Le bel été

Notre président bien-aimé le confirme le 14 juillet : le port du masque sera « obligatoire dans tous les lieux publics clos » à partir du 1er août. Ce même mois, je me suis offert une échappée en Bavière (sans menace de quarantaine). Wie schön ! Ach, le bonheur de visiter les châteaux de Louis II sans hordes de Chinois ! Vous imaginez le village de Neuschwanstein avec son accès bordé de panneaux en allemand et en chinois ?  J’ignore la raison de cette invasion – un lien avec un film de Walt Disney, semble-t-il. Moins drôle : dans les tavernes, peu de clients et donc pas d’ambiance mais la simple joie d’être servie par ces accortes serveuses en tenu tradi, mettant bien en valeur les lolos.

En août, autre environnement mais toujours du charme, cette fois en Auvergne. En musardant sur les routes de France. Du monde partout. Des masques un peu. Mais pas la sensation d’être « en guerre ».

Fin août, on apprend que l’épidémie repart.

 Le 17 octobre, un couvre-feu nocturne est instauré en Ile-de-France et dans plusieurs métropoles. Je me dis qu’il serait peut-être sage de faire fissa mon demi tro-breiz dans le cadre de la rédaction du Géoguide Bretagne Nord, édition 2021. Mon synopsis validé, je passe à l’ouest : Lamballe, Saint-Brieuc, Paimpol, Tréguier, Lannion, Morlaix, Saint-Pol-de-Léon, Roscoff, la Côte des légendes, les Abers… Les infos ne sont pas rassurantes. Le cap du million de cas est franchi le 23 octobre. 

Le 28, Manu annonce le 2ème confinement. Je venais d’arriver à Porspoder, heureuse de passer une soirée au Château de Sable, où j’ai dû me contenter d’un diner en « room service » – ben oui, au Chenal (www.lechenal.fr ), c’était complet ! Mais j’ai pu faire le plein de bouquins dans ce fabuleux café librairie du bout du monde. Les vacances de la Toussaint permettaient un certain laxisme sur le retour, j’ai donc fait un crochet par Le Conquet. Dans un hôtel, on ne m’a pas laissée aller jusqu’au bout du hall pour apprécier la vue sur mer. Dans un autre, on m’a accueillie à bras ouverts (enfin, dans le respect de…, etc…). Aquilon et zéphyr au pays du Corona…

 Je l’ai !

Le virus? Et bien voilà, je l’ai chopé ! Gag, le symptôme a surgi juste à mon retour de l’expo « 3615 Pangolin » à Vacarme 

https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/commerce-a-rennes-dans-le-vacarme-une-ambiance-brocante-vintage-7139023

Un énorme coup de barre. Je m’allonge sur le canap’ et je m’endors … pour un tour d’horloge ! Le lendemain, je consulte mon médecin qui – comme je n’avais aucun autre symptôme et que j’ai un contexte professionno-socio-familial un peu pesant – envisage un burn-out. Du coup, en attendant les résultats de diverses analyses et dans l’ignorance que j’étais cas contact, j’ai vécu ma vie en rencontrant quelques personnes. Jusqu’à ce coup de fil du médecin biologiste qui annonce : « vous êtes positive, madame ».

Oulala, la tuile ! Pas le temps de se demander ce qu’il faut faire, un premier SMS de la Sécurité sociale m’annonce qu’on va m’appeler sous peu et me prie de préparer la liste avec noms et téléphones des personnes croisées auparavant. Une heure après, une femme charmante et très pro me briefe sur la marche à suivre et m’apprend qu’un infirmier m’appellera « au plus tôt aujourd’hui, au plus tard demain ». Un peu sceptique vu mon expérience ubuesque avec la Carsat, j’ai la (bonne) surprise d’avoir un sms d’Anthony à 8h30 ; il me propose un rendez-vous entre 12h et 13h. Je confirme. A 12h07, il me demande par sms d’aérer la maison. A 12h22, il pousse la porte, enfile sa tenue de cosmonaute et nous entamons un dialogue qui glisse vite vers le bonheur d’avoir des bons voisins. Lui-même habite avenue Barthou (THE spot du premier confinement (voir https://www.mariechristinebiet.com/2020/05/09/je-vous-ecris-de-chez-moi-49/) et il lui arrive de garder le chat d’une amie. Me voilà partie pour une semaine d’isolement. Physique mais pas total. En fait, c’est presque un défilé de gentilles personnes qui m’apportent du pain, du vin, du Boursin, des cookies maison… et surtout des fruits gorgés des vitamines nécessaires au requinquage. L’info a circulé (merci les réseaux !) et je reçois plein de coups de fils. James, de Washington (qui a eu le Covid à l’époque Trump) m’assure qu’il a commencé « á réciter des prières pour moi á voix haute chaque matin » et que je peux l’appeler quand je veux, video de sa copine Blondie à l’appui

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=StKVS0eI85I

Pascale, psychiatre à Montréal, me raconte le confinement au Québec, bien plus dur qu’en France. Nathalie, une de nos amies partie en vacances dans sa cabane de trappeur du Nouveau-Brunswick, est coincée là-bas depuis des mois ! Mais heureuse, c’est l’essentiel. Moi aussi, je positive, prenant tous les petits bonheurs qui s’offrent : câlins du chat, oiseaux qui picorent sous mes yeux dans le jardin, odeur du parfum le matin. Car je n’ai pas perdu l’odorat. Ni le goût. Je checke ça tous les soirs à l’heure de l’apéro (meilleure expérience de cocktail : cidre-gin-citron vert : extra !). Je lis, un peu, en privilégiant les auteurs de Bretagne (Nicolas Legendre, Hervé Bellec, Sandrine Pierrefeu, Teodoro Gilabert) ou en rêvant d’« Une terre promise » avec Barack Obama. Je me suis même offert un bain. Oui, il y avait des années que je n’utilisais pas ma baignoire à l’horizontale ! Dimanche, j’y ai fait une échappée virtuelle en y glissant des « galets de bain effervescents aux algues d’Ouessant » et des coquillages que je regardais un à un en l’interrogeant « d’où viens-tu, toi ? ». De l’Aber Wrach ? De Jullouville ? Des Seychelles ? De Zanzibar ? Et hop, petits voyages dans le monde des souvenirs !

La télé et internet apportent aussi leur lot de micro plaisirs comme celui-ci que j’adore :

https://www.kubweb.media/page/printemps-vingt-vingt-confinement-radio-oufipo/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=NL-08-02-2021-Printemps2020

Bel exercice qui fait revivre cette expérience inédite, entre sidération et solidarité. Mais j’avoue que rien ne me met plus en joie que le message reçu ce matin du 38085 (l’assurance maladie) : « Votre isolement prend fin aujourd’hui ».

À l’heure où tombent les premiers flocons de neige. 

Au jour où meurt Jean-Claude Carrière, l’homme qui disait : « Sur une journée, si on ne rit pas au moins 3 fois, la journée est perdue. Il ne faut pas se prendre au sérieux. »

N.B. Les photos illustrent quelques jolis moments partagés, quoique masqués, dans des bars, des restaurants et galeries de Bretagne, à Rennes, à Guingamp, à Saint-Brieuc, à Roscoff,  à Plouider, à Brignogan, à Saint-Renan, à La Gacilly… Tous ces lieux, tous ces gens que je salue et que j’espère revoir dans le monde d’après.


9 commentaires

Lanial · 9 février 2021 à 21 h 10 min

La neige du jour. Bravo Marie Christine. Au plaisir, comme se dit à Toulouse, de prochains écrits.
Donc, on se couche et on dort 24 h d’affilée !
Super.
J’adore.

Catherine Ribault · 9 février 2021 à 21 h 46 min

Coucou Marie Christine ! Contente de te relire ! Quelle affaire ce foutu virus… maintenant te voilà requinquée et c’est tant mieux ! Â très bientôt j’ai plein de news pour toi 😜

Jean-marc morel · 10 février 2021 à 2 h 48 min

Bonjour Marie Christine, c’est super sympa de te lire, merci. Depuis un an, moi aussi je n’ai pas bougé de chez moi et ça me fait tout drôle ! Vivement la vaccination, qu’on se sente en sécurité sanitaire relative, que nous puissions bouger, revoir les amis, voyager au bout du monde… A+

Ridard · 10 février 2021 à 8 h 51 min

Très bien ton récit ,content que tu te sois débarrasé de ce satané virus et que tu reprenne vite la forme et qu’on se fasse une petite bouffe

MARTINE TURMEL · 10 février 2021 à 9 h 48 min

Toujours agréable de lire ta plume. Ce matin, la surprise de voir ce beau manteau blanc. Du coup j’ai pris un temps fou pour mon petit déjeuner face à ce paysage. Rétablis-toi bien et prends soin de toi .

Nathalie Gressin · 10 février 2021 à 22 h 59 min

Bien contente de te lire et de constater que la solidarité existe encore en France, car quand on regarde les infos, de notre paisible Canada, on en doute encore! Toutefois, je tiens à te rassurer… Il n’y a pas plus de trappeurs dans mon coin de d’Acadie que de pirates en Bretagne. Ah moins qu’il y ait encore quelques flibustiers politiciens chez vous! Mon chalet est ce qu’il y a de plus confortable. Je ne dors pas sur une peau d’ours et j’ai même l’eau courante du puit. Pas de chasse à faire, mon frigo regorge de cassoulets trouvés à l’épicerie du coin, sur ma petite île du bout du monde. Le soir, je ne regarde pas le ciel étoilé qui est d’ailleurs magnifique surtout quand la lune se reflète dans la mer, nous j’écoute bêtement la dernière série Lupin. Comme quoi, tu vois les clichés à sur le Canada persistent, tabarnak! Allez, sans rancune. Tu seras la bienvenue dans mon petit paradis!

    Biet Marie Christine · 13 février 2021 à 0 h 17 min

    Coucou Nathalie! Je t’ai rédigé une réponse et pfuit! ( j’ai appuyé sur un mauvais bouton)! Mais comme je t’ai déjà expliqué sur FB, j’en reste là, tabernak! Bises!

Christine AIRIAU LECLAIR · 16 février 2021 à 5 h 14 min

Coucou Marie-Christine – Heureuse de te lire, c’est signe que tu as retrouvé la forme. Vu la prose, fidèle à toi-même ! Merci de nous régaler de ta plume. Et je confirme que la fabrique à souvenir est une valeur sûre par les temps qui courent . Cela permet de s’évader, surtout lorsque le mot Liberté est quelque peu malmené. Vivement que je fasse une escapade rennaise !! Bonne continuation à toi et continue tes pérégrinations dont tu as le secret… Bises

    Biet Marie Christine · 18 février 2021 à 10 h 57 min

    Hello Christine! A moi aussi de retourner à Nantes, ça me titille trop! A très vite, j’espère!

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