Aujourd’hui, jour de chandeleur, nous sommes censés manger des crêpes. Mais au fait, pourquoi ?

En y regardant bien :  1) la forme (un disque doré comme le soleil), 2) la saison (on espère la fin de l’hiver), c’est clair, nos ancêtres se sont dit qu’en faisant des crêpes, ils se mettraient dans les petits papiers des dieux. D’ailleurs, à défaut, la récolte de blé serait foutue !

Nous les Bretons, on n’y a pas échappé (aux crêpes, pas aux travaux des champs – quoique…). Et moi en tant que fille de meunier et petite-fille d’une mamie délicieuse (photo), reine des douceurs, je suis accro. Mais curieusement, je n’en avais jamais fait jusqu’à ce jour mémorable où, sortant du Chapare – une province amazonienne de Bolivie – je me retrouvai chez des gens qui m’imposèrent cet exercice. Por ché ? Je résume. Avec une amie, nous venions de passer quelques semaines chez les indiens Yuracaré à l’invitation d’un copain, un aristo belge, très allumé et vaguement anthropologue. Après quelques bains parmi les piranhas, les nuits avec des moustiques maousse costauds et une maigre maitrise de la langue quechua, il nous fallait retourner à la civilisation. Qui dans ce coin porte le nom de Cochabamba. Or, nous avions lu dans le Routard que cette région fête la Virgen de l’Urkupiña à Quillacolla et que ce pèlerinage met 500 000 personnes sur les routes ! Craignant de peiner à trouver un hébergement, on demanda au Belge son plan piaule à la ville. Il nous fallut presque le torturer pour qu’il nous donne le contact des gens chez qui il résidait, en mode « ils sont pas sympas… vaut mieux pas… ». Bref, arrivées à la ciudad, il fallut se rendre à l’évidence : trouver une chambre à Cochabamba ce jour-là était aussi ardu qu’à Bethlehem le 24 décembre 00. Et la crèche, elle est où ? On trouve une cabine téléphonique, j’appelle. Un type décroche. Je ne lui laisse pas en placer une, je développe l’histoire de deux Bretonnes super sympas mais à la rue. Pendant que je reprends mon souffle, le gars éclate de rire et dit « mais pas la peine de vous justifier. Venez, c’est tout ! ». Voilà comment Edith et moi nous nous sommes retrouvées chez une bande d’expat’s aussi cool qu’accueillants. Mais à une condition : « vous êtes vraiment bretonnes ? Prouvez-le ! Faites des crêpes ». Madre de Dios, como hacer ? Pas trop empotées et pourvues d’une certaine mémoire des gestes ancestraux, on a filé à la tienda du coin. Leche, huevos, harina, azucar… C’est pas compliqué. Vamos ! On mélange tout ça. Et ce fut notre première crêpe party au retour de notre expédition sur les pas du lieutenant Percy Fawcett (vous savez, l’officier anglais héros du roman de Connan Doyle et du film The lost city of Z – http://www.cinecure.be/The-Lost-City-of-Z)

Je vous raconte ça pour vous donner confiance en vous. Vous êtes cap’ ! Vous voulez la liste des ingrédients, la voilà :

•               250g de farine

•               25cl de lait

•               25cl d’eau

•               1 sachet de sucre vanillé

•               3 œufs

•               1pincée de sel

•               Beurre pour la cuisson

Vous avez vu ? Cette recette utilise de l’eau ! Sacrilège ? Non. Vous pouvez aussi mettre un coup de cid’, de gnôle ou de rhum – ou pour les vegan, mettre du lait végétal. Vous pouvez aussi remplacer la farine de froment par de la farine de châtaigne ou de riz. Libertad ! Si vous avez envie de retirer les rois, vous pouvez réaliser un gâteau de crêpes, en intercalant les crêpes avec de la frangipane (je vous interdis le nutella de cette recette, mettez du Breizella produit dans les Monts d’Arrée (https://confiture4saisons.bzh/11-gourmandises). Je ne vous donne pas le nombre de calories, c’est secret défense !

Si malgré mes conseils, vous hésitez à vous lancer, j’ai deux suggestions :

–          vous initier à la fabrication en faisant une formation à l’école de maître crêpier de Rennes. Ils sont ouverts, avec jauge limitée et règles sanitaires adaptées https://www.ecole-maitre-crepier.fr/

–          en acheter des toutes faites. Et là, les entreprises ne manquent pas, à Saint-Malo, à Brocéliande, à Hédé (Génération Galettes), à Taupont, à Binic, à Landelau, à Pontrieux, j’en ai découvert plein dans le cadre de mon travail. J’avoue que le dernier que j’ai interviewé, à la Crêperie de Guerlédan, m’a scotché par la qualité de ses galettes à l’ancienne http://www.creperiedeguerledan.fr/

Et puisqu’on parle boulot, il faut que je cite la Biscuiterie de Quimper, visitée lors de la préparation du livre « Quimper et l’Odet » (éditions Géorama – https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/quimper-et-l-odet-belles-de-cornouaille-dans-un-livre-5161692) dont voici un extrait

« A Locmaria, entre le jardin et la rivière, de fiers bâtiments s’organisent autour d’une cour fermée. Leurs façades, leurs frontons soulignés d’éléments sculptés donnent une idée de l’aisance dans laquelle vivaient les mères prieures aux 17et 18e siècles. La communauté religieuse a été chassée en 1792. L’église a été rendue au culte à la fin du 19e siècle. Juste à côté, passez à la Biscuiterie de Quimper où peut-être assisterez-vous à la fabrication de crêpes dentelle, inventées ici même. Craquez et allez commettre le péché de gourmandise à l’abri des regards sur les bancs du remarquable jardin du Prieuré. Sainte Marie vous absoudra ! »

Quand je pense Quimper, je pense Simone Morand, ma mamie de cœur, grande papesse de la cuisine bretonne, qui y a habité longtemps. Je me marre en lisant ceci dans son « Cuisine traditionnelle de Bretagne » (éditions Gisserot – https://librairiecoopbreizh.bzh/livre/1039465-toute-la-cuisine-traditionnelle-de-bretagne-simone-morand-j–p-gisserot):

« Si les galettes sont citées depuis le Moyen-âge, on ne rencontre les crêpes de sarrasin que depuis le début du19e siècle. Celles-ci sont battues. Avec les poings et avec les bras. Celles de froment ont dû faire leur apparition vers la fin du 19e siècle. On bat légèrement la pâte soit avec les bras, soit avec une cuillère de bois ».

Cherchez au fond de vos placards ou dans les vide-greniers ces délicieux grimoires vintage édités par Jos, Francine, Treblec et consorts, usez de vos poings, de vos bras, ou d’un Tupperware (!)… et que ça saute ! 


6 commentaires

Dominique Boscher · 2 février 2021 à 18 h 27 min

Waouh ! sacrée histoire des crêpes ! surtout la première en pays quechua, passionnant ! sais-tu que le film The lost city of Z est passée sur Arte la semaine dernière. Je l’ai ratée cette fois, je surveille la rediffusion. Par contre j’ai lu Le monde perdu de Conan Doyle, mais sans savoir qu’il s’était inspiré de l’histoire de son ami Percy. Comme quoi, on apprend des tas de choses à partir des crêpes !
Et sinon, sais-tu que l’on peut aussi faire la pâte à crêpe à la bière ? elle sont légères, légères… on peut laisser quand même un peu de lait dans la recette.
Bon voilà, cette fois j’espère que la machine ne va pas effacer une 2ème fois mon petit commentaire…

    Biet Marie Christine · 3 février 2021 à 11 h 43 min

    Merci Dominique! Oui, le film est passé sur Arte, c’est ainsi que je l’ai revu et pensé à le citer là ! A bientôt j’espère pour une crêpe party!

Lania · 3 février 2021 à 11 h 04 min

Bonjour

J’ai, qu’aujourd’hui, tout ce que je lis, vois, regarde
découvre me porte à me tordre les côtes, avec plaisir.
C’est le cas avec Toi et ta façon légère de « parler sérieux ».
Je partage et je vais y aller aussi de quelques uns de mes mots. Merciii iiii mille et une fois of course

    Biet Marie Christine · 3 février 2021 à 11 h 44 min

    Merci Lania, j’aime que tu parles de cette façon de mixer léguer et sérieux. Bises !

Brigitte · 3 février 2021 à 19 h 15 min

Une histoire croustillante pour des crêpes légères, merci Marie-Christine. Ma mère, d’origine viking, lâchait une petite goutte de calva dans la pâte : c’est pas mal aussi !

    Biet Marie Christine · 4 février 2021 à 16 h 13 min

    Merci Brigitte pour le coup de calva! ! et à bientôt j’espère!

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