Aujourd’hui, c’est Anne-Marie qui nous écrit de Marseille. Enfin… d’une certaine manière puisque sa lettre nous emmène vers la cité phocéenne à travers Plus belle la vie, la série qui cartonne sur France 3 depuis… 2004 ! Ah, ça risque de filer des boutons aux adeptes des Inrocks et de Télérama. Mais au jour où cesse la diffusion des épisodes filmés avant l’arrivée de la pandémie, le regard d’Anne-Marie sur ces histoires invraisemblables aux scenarii souvent incohérents nous pousse à l’indulgence. D’abord pour sa capacité à créer du lien. Le lien. N’est-ce pas ce qui compte le plus pendant le confinement ?

MCB

 

C’est la vie

Il y a plusieurs années que j’ai commencé à regarder le feuilleton journalier Plus Belle La Vie (on dit « série » aujourd’hui, mais je n’aime pas ce mot). Au début, je me suis forcée. Comme on avale une cuillerée de soupe pour faire plaisir à maman. Je n’ai jamais aimé la soupe, mauvais souvenir d’enfance…Mais là j’ai fait vraiment un effort et j’ai pris mon bol de « Plus Belle La Vie (PBLV) » tous les soirs à 20h30. Au début, ça passait mal. Je trouvais que les acteurs jouaient mal, que certains scénarios étaient invraisemblables, et que c’était globalement un fouillis dans lequel je me perdais. Mais je regardais ; une cuillère à soupe pour maman.

Au bout de quelques semaines, j’ai commencé à me repérer dans la vingtaine de personnages récurrents, Mirta, Luna, Estelle, Roland, Thomas, Jean-Paul, Samia, Djawad, Blanche, Abdel, etc…

Me repérer dans la kyrielle de personnages était important, car regarder PBLV allait me servir à dialoguer par téléphone plusieurs fois par semaine avec maman. Quand elle m’avait parlé de son feuilleton, je n’avais pas fait très attention au début. C’est après un de ses petits séjours chez moi, où elle avait regardé l’émission chaque soir, que j’ai entrevu la possibilité de discuter avec elle au travers de « son » feuilleton. Elle habitait à 400 km de chez moi, et tous ceux qui ont des relations téléphoniques avec des parents âgés savent que l’on cherche des petites histoires à partager au téléphone, et que ce n’est pas toujours facile. Car ils ne connaissent plus très bien nos amis, nos voisins, et les conversations s’appauvrissent petit à petit. Avec Plus Belle La Vie, j’ai trouvé une mine pour échanger avec maman. Elle avait alors environ 85 ans. Et nous pouvions parler des rebondissements dans l’histoire de chaque personnage. Une mine magique.

Et je me suis surprise à m’attacher à mon tour à ce rendez-vous du soir. L’impression de retrouver des copains, des voisins de quartier autour du comptoir du bar. Et j’ai trouvé que cette série abordait tous les sujets de société sans fuir la difficulté : les racismes de toutes sortes, les questions de différences sexuelles (homosexualité, transgenre), drogue, petite délinquance, violence conjugale, religion, avortement, amour, divorce, bref la vie, pas toujours belle, souvent compliquée et pas fleuve tranquille. J’ai apprécié les débats entre les personnages avec leurs points de vue différents sur ces sujets. Et au final toujours un cadre : la tolérance envers la différence, l’ouverture d’esprit, le respect de l’autre. Et cela à une heure de grande écoute, sur 20 minutes, pouvant permettre un dialogue parents-enfants, petits ou adolescents.

Maintenant je trouve que les comédiens ne jouent pas, qu’ils sont naturels, hésitants comme vous et moi. Je les retrouve comme des voisins de quartier, des copains, des parents, des collègues.

J’apprends ce jour, que la série va être interrompue pour cause de confinement ce lundi 4 mai. Les tournages ont lieu 6 semaines avant le passage en télé. Donc les producteurs arrivent au bout de leur stock de tournage. Ils vont me manquer. Ils vont repasser des épisodes anciens. Bon…

Pas tous les soirs, mais presque, je regarde en pensant à maman. Qu’est ce qu’elle dirait de cet épisode ? Je ne peux plus lui téléphoner depuis bientôt 4 ans. Mais j’ai toujours l’impression que nous sommes proches durant ces 20 minutes, qu’elle regarde avec moi ou à travers moi. Et je partage ce moment avec elle sans l’intermédiaire du téléphone.

A-M. R.

 

Pour illustrer cette lettre, j’ai choisi une photo de l’équipe à l’époque où y figurait Pascale Roberts, une comédienne disparue en octobre 2019. Au soir d’une vie bien remplie au cinéma et au théâtre, elle avait incarné l’inénarrable Wanda Legendre. Dans les années 70, elle avait marqué un autre feuilleton télé que j’ai loupé – faute de petite lucarne chez moi – mais je me souviens de la musique du générique, composée par Michel Legrand. Allez savoir pourquoi !

MCB

http://www.tele70.com/article-18952350.html

https://www.theatresparisiensassocies.com/acteurs-theatre/roberts-pascale-6420.html

 

 

 

 


1 commentaire

Sachot · 3 mai 2020 à 18 h 09 min

Très jolie façon de créer un lien avec un parent vieillissant…

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